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Allocution d'Éliane Beaudin-Demers (petite-fille)

Prononcée le 12 février 2017 aux funérailles de Pierre Demers


Petite, ne sachant pas encore l’ampleur de tes réalisations, je parlais de toi avec fierté partout autour de moi, répétant les informations que mes parents me racontaient à ton sujet. Étant scolarisé dans une école de la commission scolaire Marie-Victorin, je me plaisais à raconter à mes amis que tu l’avais connu. À ce moment-là, tu étais loin de te douter que tu recevrais en 2015 le prix Marie-Victorin pour ton travail en science. Tu m’avais permis de tenir tête à ceux qui ne me croyaient pas en écrivant une petite lettre à mon intention, que j’ai pu leur présenter.

J’ai commencé lentement à prendre conscience de la grandeur de tes accomplissements en gagnant en maturité, et année après année, je n’arrêtais pas de découvrir de nouvelles informations à ton sujet. J’ai eu l’occasion de te connaître un peu plus vers la fin de mon secondaire. J’ai profité d’un projet intégrateur pour passer une série d’entrevues avec toi. J’étais, disons, moins travaillante que maintenant, et sans la précieuse aide de mon père jamais ces images n’auraient pu paraître. D’ailleurs, merci, Papa, de m’avoir toujours aidé dans mes travaux lorsque j’étais dissipée! Par contre, j’ai réussi à tirer de toi quelques informations précieuses qui m’ont permis de te connaître sur un plan un peu plus humain que scientifique.

L’adolescence étant ce qu’elle est, j’ai ressenti le besoin de partir au loin pour mieux me retrouver, et ma destination fut la Saskatchewan… Ah! Le Canada anglais. J’appréhendais de t’annoncer que je partais dans une province où l’anglais est la langue première. Je me doutais que tu ne serais pas très fier de ma décision. Par contre, j’ai su t’honorer en fréquentant l’institut français de la Saskatchewan et en ayant comme intention d’enseigner dans les écoles fransaskoises. Quelque part à l’intérieur de moi, grâce à tes batailles pour la langue de Molière, je garde cette emprunte qui me rappelle l’importance, la richesse, l’histoire et la beauté de notre langue, le français. Au cours d’un voyage en France, j’ai eu l’occasion de rencontrer un ami ainsi qu’un ancien élève à toi. À leurs côtés, j’ai entendu parler de toi tel un grand homme, inspirant et marquant. Merci de m’avoir permis de faire ces deux belles rencontres et de te découvrir sous un autre angle. D’ailleurs, j’ai vécu avec toi de beaux moments intergénérationnels, touchants, drôles, doux et honnêtes en présence d’élèves de maternelle. J’ai alors vu un aspect de mon grand-père qui m’était jusqu’alors inconnu. C’était un grand-père tendre, passionné et à l’écoute de la belle naïveté des enfants. Je me souviens particulièrement d’un échange que tu as eu, après que les enfants aient été abasourdis de savoir que tu ne connaissais pas la télévision quand tu avais leur âge. C’était avec un petit garçon qui trouvait ça bien drôle de devoir crier pour que tu l’entendes. Il voulait t’impressionner en partageant avec toi ses connaissances sur les méthodes des chats pour sentir à l’aide de leurs moustaches. C’était un moment qui vaut encore de l’or à mes yeux. Dernièrement, tu m’avais même proposé une chanson enfantine-aînée pour apprendre les nombres pairs en te basant sur les différents os des bras. Tu étais un personnage vraiment original, c’est peu dire.

Je tiens à te faire quelques remerciements.

Merci de m’avoir montré que la mort ne doit nécessairement être effrayante ni difficile, en me répétant que tu ne souffrais pas et que tu n’avais pas peur. Merci d’être pour moi un exemple de persévérance en nos rêves et idéaux. Merci d’avoir pensé à moi pour t’accompagner et travailler avec toi sur certains de tes projets, malgré mon jeune âge, la confiance que tu avais en moi me touche.

Je termine sur ces quelques mots, traduits d’un texte que j’ai écrit en secondaire 2 pour un cours d’anglais :

L’idée que je me fais d’un héros est une personne qui accomplit des choses extraordinaires. Mon grand-père ne peut pas soulever de camion, ni se battre contre un taureau, mais il a dédicacé son génie à faire des découvertes qui ont aidé à changer le monde à sa façon. Sachez toutefois que par-dessus tout, il garde en son cœur une place énorme pour les personnes qu’il aime, et pour cette seule raison, mon grand-père sera pour toujours un héros.